Une branche craqua, puis un léger bruissement indiqua aux animaux encore présents, qu'un être approchait de leur territoire. Peu vaillantes, les bêtes se mirent à fuir. Au loin, dans l'obscurité, une ombre se dessinait peu à peu. Son propriétaire marchait sans trop savoir où allait, ni à quel horizon de destiner. Une fois encore la fuite avait été son échappatoire et une fois encore, il avait devancé ses camarades, qui s'étaient perdus en forêt. L'homme, arc sur l'épaule, avait mauvaise mine. Ses vêtements ne payaient pas de mine, il portait un manteau gris qui touchait presque le sol tant il était long. Sa chemise ouverte, laissait entrevoir un torse assaillit par plusieurs marques. L'homme était blessé au vu du sang qui colorait son épaule. Ses assaillants ne l'avaient pas loupé.
Comme à chaque lendemain de vol, Robin et ses compagnons s'enfonçaient en forêt pour s'enquérir de leur butin. Mais cette fois, les voleurs s'étaient fait prendre à leur propre jeu et n'eurent d'autre choix que de se séparer pour mieux échapper à leurs poursuivants. Robin, plus rapide que les autres, c'était ainsi vite retrouvé seul au plein milieu de la forêt et devait continuer à avancer en solitaire pour rejoindre au plus vite la première cité qui daignerait se présenterait à lui. Fatigué et affaiblit son corps se faisait de plus en plus lourd et au milieu de nulle part, il se laissa tomber à terre et perdit progressivement conscience. Lorsqu'enfin, il sortit de sa léthargie, il constata avec surprise, que le jour s'était levé depuis plusieurs heures. Aussitôt, le voleur se redressa, non sans difficulté et continua ainsi à marcher. Quelques minutes plus tard, il arriva près d'un lac et s'agenouilla aussitôt pour se désaltérer. Il s'humidifia le visage puis la tête entière, il regarda ensuite, posé sur un rocher, quelque vêtement. À vue d'œil, ils étaient propres et sans plus attendre le jeune homme se déshabilla pour se parer de ses nouveaux habits, il récupéra son long manteau, laissant ses anciens haillons et reprit la route sans plus attendre.
Il traversa toute une forêt et foulait du pied une terre qui lui était inconnue. Jamais encore, il ne s'était aventuré aussi loin dans le royaume. Il marcha donc toute la journée, faisant tout pour éviter les regards. Le soleil commençait à dépérir, signe que sous peu, il ferait nuit. Robin marcha le long d'une route sur laquelle passait plusieurs carrosses, puis il arriva près d'une taverne. Sa blessure le faisant souffrir, il décida donc de faire une halte espérant se détendre un peu avant de reprendre la route.
Robin observa consciencieusement la devanture de cette taverne qui ne payait pas de mine. Il souffla longuement avant d'enfin prendre la décision d'entrer à l'intérieur du commerce. Plusieurs regards se braquèrent sur lui et restèrent insistants jusqu'à ce qu'il ait atteint le comptoir de la taverne. Il s'assit sur l'un des tabourets encore vacants et attendit que le gérant des lieux vienne s'adresser à lui. Le jeune homme fouilla dans ses poches et sortit quelques pièces d'or. L'appel de l'argent, éveilla l'attention du gérant de la taverne qui s'avança aussitôt vers son nouveau client
« Je vous sers quoi ? »La rudesse de l'homme surprit Robin, qui s'attendait quand même à un peu plus de politesse de la part d'un « commerçant ». Mais peu enclin à attirer davantage les regards, le nouvel arrivant se contenta d'un :« Ce que vous avez de plus fort et de moins cher ! »
Volontairement, il omit le traditionnel « Merci » et laissa le tavernier s'éloigner en maugréant une phrase que le voleur put aisément entendre. Mais une fois encore, il préféra rester silencieux afin de ne pas attirer l'attention sur lui. La porte de la taverne s'ouvrit à nouveau, l'archer se retourna et aperçut deux types assez costauds, faire leur entrée. Il les détailla du regard, les deux molosses portaient des armes, un arc, une hache, un couteau, tout l'attirail du parfait chasseur et les quelques morceaux de peaux de bête qui trônaient fièrement sur leurs habits, ne présageaient rien de bon. Les deux hommes allèrent prendre place sans plus attendre, tandis que le gérant de la taverne, posa face à Robin une chope remplit d'un liquide pas très limpide.
« Ce que nous avons de moins chère et de plus fort ! »
Puis sans plus attendre, l'homme s'en alla, laissant Robin seul face à sa boisson. Hésitant, il porta la chope à ses lèvres qu'il trempa, mais il se détacha aussitôt du liquide tant il était amer et peu agréable en bouche. La porte de la taverne s'ouvrit à nouveau, l'archer détourna le regard et fut surprit de découvrir une femme, d'ailleurs, il n'était pas le seul à avoir posé son regard sur la charmante demoiselle qui semblait perdue. Il continua à l'observer curieux de voir une aussi belle femme traîner en des lieux aussi infâmes. Les deux chasseurs se rinçaient eux aussi l'œil. « Décidément, les gens d'ici n'ont pas l'air malins » se disait Robin qui continuait à jouer avec le contenu de sa chope qu'il n'était pas pressé de boire.
Le grand Amour, on ne le rencontre qu'une fois dans sa vie. Du moins, c'est ce qui se dit. La jeune Regina l'avait trouvée en la personne de Daniel, le garçon d'écuries au service de ses parents. Ils nourrissaient depuis quelques temps une relation secrète. La jeune fille de bonne famille savait pertinemment que sa mère, la terrible Cora, n'accepterait jamais cette relation. Elle espérait mieux pour sa fille. Seulement la belle brune n'avait que faire d'un mari issu des hautes sphères de la société, elle, ce qu'elle voulait, c'était vivre avec son grand Amour.
Une suite de mésaventures vint mettre à mal ses projets. En effet, alors qu'elle s'était retrouvée avec Daniel lors de l'un de leurs rendez-vous secrets, elle entendit les cris d'une petite fille en détresse, qui avait perdu le contrôle de son cheval. Cavalière émérite, Regina sauta sur sa monture et rattrapa la jeune fille, sauvant ainsi celle qui s'avérait être Blanche-Neige, la fille du roi Leopold. Par la suite, à l'insue de Regina, Cora demanda au roi, en guise de récompense, qu'il épouse sa fille. Le mariage était donc confirmé. Régina projeta donc de s'enfuir avec Daniel. C'était sans compter cette petite fouineuse de Blanche-Neige, qui les surprit en train de s'embrasser. La fille de Cora confia donc son secret à la princesse, comptant sur sa discrétion. Mais la demoiselle, bien trop optimiste quant aux intentions de la mère de Regina, révéla le secret qui lui avait été confié. Ni une ni deux, Cora alla rejoindre les deux amoureux sur le départ, et assassina Daniel en lui arrachant le coeur et le réduisant en miettes, sous les yeux de sa fille. Regina fut obligée d'épouser Leopold et devint reine, contre son gré.
Au lendemain de son mariage, malheureuse comme les pierres, se sentant délaissée par son nouveau mari qui n'avait d'yeux que pour sa fille -elle avait même passé sa nuit de noces seule dans sa chambre, c'est dire!-, Regina observait la nuit tombante du haut de la terrasse de sa chambre, l'esprit absorbé par sa tristesse et sa mélancolie. Ne prêtant plus attention à rien d'autre que son chagrin, elle se laissa tomber du haut de la tour, ce qui lui aurait été fatal si la fée de l'amour ne l'avait pas rattrapée. S'en suivit une discussion quant à l'avenir de Regina. La fée lui avoua qu'elle détenait une poudre magique très puissante, capable de la mener à son véritable grand Amour.
Toutes deux arrivèrent devant une taverne, qui ne payait pas de mine. Régina n'avait guère l'habitude de ce genre d'endroit. De derrière la fenêtre, la fée lui montra l'homme que la poudre de fées avait entouré. Il avait un lion tatoué sur l'avant-bras. La fée assura à la reine que cet homme était son ame-soeur, que la poudre ne se trompait jamais. Puis elle la laissa pour qu'elle aille retrouver ce grand amour inconnu. A présent seule face à la vitre, Regina sentit son coeur se serrer. Une sorte d'apprehension la prit, et elle hésita longuement. Une petite voix dans sa tête lui soufflait de rentrer au palais, de suivre la voie que lui avait tracé sa mère, afin d'eviter d'avoir d'avantage d'ennuis. Mais cette éventualité l'angoissait bien plus que l'immense prise de risque que représentait l'option que la fée lui proposait. Quelle serait sa vie avec un mari qui n'avait que faire d'elle, une belle-fille qui était la cause de son malheur? Reprenant ses esprits, Regina décida d'entrer dans l'etablissement. Elle portait une robe toute simple d'interieur, ses longs cheveux bruns ondulés lachés dans son dos.
Lorsqu'elle pénétra dans la taverne, elle sentit tous les regards braqués sur elle, et pour cause, seuls des hommes et des femmes de petite vertu se trouvaient là. Alors une jeune fille de qualité comme elle se trouvant ici, ne pouvait qu'attirer les regards des curieux. Le coeur battant la chamade, Regina, légèrement intimidée, se dirigea vers celui que la poudre avait designé. Il la regardait, tout aussi étonné que les autres clients de la taverne. Lorsqu'elle vit son regard, quelque chose se passa en elle. Il était si beau, ses yeux bleus si rassurants. Cette vision la fit sourire alors qu'elle était enfin à sa hauteur. Plus rien n'avait d'importance, ni ce lieu infâme, ni les regards indiscrets des curieux autour.
-Bonsoir, dit-elle un peu timidement.
A présent, elle se sentait un peu bête. Qu'allait-elle lui dire? "Bonsoir, une fée m'a dit que vous étiez mon grand amour, alors emmenez-moi loin d'ici pour que nous soyons heureux"? Elle se sentait vraiment ridicule à présent. Il la prendrait pour une folle et lui rirait au nez, c'était sur.
-Pardonnez-moi, je n'aurais pas du venir vous déranger de la sorte.
Elle fit mine de repartir, mais quelque chose la retenait.
(c) AMIANTE
Robin Locksley
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D'ordinaire, le voleur ne fréquentait jamais ce genre d'établissement sans ses fidèles acolytes, à savoir le bien nommé Petit Jean et le vertueux frère Tuck. D'autres valeureux s'étaient par la suite greffés au trio et formaient ainsi les Merry-men, des voleurs affublés d'un code d'honneur, des hommes au grand cœur qui avaient décidé de délester, sous les ordres de Robin, les plus riches, pour que les plus démunis vivent dignement. Mais aujourd'hui, le bandit de Sherwood était seul, délesté de ses acolytes et légèrement désarçonné par sa dernière fuite qui l'avait entrainé jusque dans ces lieux, où il espérait souffler un peu. Il continua donc à boire l'infâme breuvage qu'on venait de lui servir tout en observant la blanche colombe venue se perdre en ces lieux corrompu par tous les vices. Le sourcil levé, il se demandait bien ce qu'une femme de cette envergure venait faire ici. Venait-elle se perdre dans les bas-fonds pour se complaire de mener une vie bien plus fastueuses que tous ces malheureux ? Était-elle suicidaire ? S'ennuyait-elle à ce point ? Le voleur n'étaya pas sa réflexion, car il se fichait bien de savoir ce qu'elle voulait. Il s'était arrêté aux atours qu'elle portait, à ses yeux elle n'était donc rien de plus qu'une privilégiée et n'avait donc rien à faire dans cette taverne. Après quelques secondes d'observation, il cessa donc de la détailler et reporta toute son attention sur sa chope qu'il avait bien du mal à alléger tant le liquide qu'elle contenait était imbuvable.
"-Hey" dit-il en arpentant vulgairement la femme en charge de servir les boissons, tandis que la nouvelle arrivante s'approchait lentement de sa table. "-Mettez-moi quelque chose de buvable s'il vous plait. Du rhum fera l'affaire" Il ne pouvait payer une telle consommation, mais n'en avait que faire. Il avait soif, soif d'un bon alcool et non de ce tord boyaux. La serveuse, visiblement charmée par l'esquisse de sourire que venait de lui offrir le voleur, s'éloigna en souriant intensément. Robin, grand séducteur, se satisfait ainsi d'avoir amadoué cette jeune femme qui lui porterait sous peu la boisson tant attendue. Mais pour l'heure c'est une toute autre femme, qui attira l'attention du seigneur de Sherwood.
"-Heu...bonjour." Dit-il avec dédain. Il regarda ailleurs attendant que la jeune femme étaye la conversation. A vrai dire, il l'ignorait totalement et l'entendre soupirer le fit même jubiler. Mal à l'aise, elle préféra s'excuser de l'avoir dérangé, il ne s'en offusqua pas et la laissa partir "-Oui bien sûr, faites-donc. Retrouvez votre palais princesse, ici vous faites tâche !" Piquée au vif, la jeune "ingénue" s'éloigna sous plus attendre. Elle avança à travers la foule grouillante et presque écrasante qui errait en ces lieux. Robin vit les deux chasseurs se levaient pour aller à la rencontre de la demoiselle. Le voleur serra la mâchoire, avala d'une traite l'infâme contenu de sa chope, il renonça au rhum puis se leva, se maudissant déjà pour ce qu'il allait faire.
Les deux molosses étaient semblerait-il bien décidé à « discuter » à l'inverse de la jeune femme qui était décidée à partir. L'un des crétins lui prit donc le bras sans ménagement, Robin se faufila à travers la foule chargée d'ivresse, il se rapprochait peu à peu et malgré la distance qui le séparait du petit groupe, il pouvait très facilement entendre leur conversation.
"-Sois plus docile beauté où il risque de t'arriver malheur !" D'autres hommes s'approchèrent des deux chasseurs et se mirent à rire bêtement tandis que l'homme plaqua dangereusement la jeune femme contre lui. Elle avait beau faire, l'homme était plus fort et mieux entouré rendant toute lutte impossible. Robin arriva à bon port, il fit mine d'être complètement ivre et poussa l'un des hommes
"-Ah bon dieu...mince alors, j'vous avez pas vu !" L'homme qui tenait la « jeune reine », relâcha la pression, mais lui tenait toujours le bras."-Qu'est-ce que tu veux toi ?"
"-Je serais bien tenté par un verre, mais je ne suis surement pas ton genre mon chou ! Non, mais en fait je me disais que peut-être que cette pauvre jeune fille n'avait pas envie que tu lui barres la route et que tu l'assommes avec ton haleine de bouc"
La poudre de fée s'était trompée, c'était certain! Comment l'âme-soeur de Regina pouvait-elle être un homme aussi détestable? Il lui avait parlé d'une manière incroyablement impolie et l'avait tout simplement congédiée. Etait-ce pour ce genre de vie qu'elle avait quitté un palais plein de richesses? Si c'était pour être avec un homme qui n'avait que faire d'elle, la jeune reine avait déjà son mari, alors autant retourner au château. Ou alors la fée avait un drôle d'humour et s'était jouée d'elle. Qu'elle ne s'avise pas de reparaître devant elle, car Regina était à présent très en colère.
-Oh! Ce n'est pas la politesse qui vous étouffe en tout cas! Avec un peu de chance, ce breuvage que vous absorbez le fera! Bonne nuit!
Outrée par l'attitude que la soit-disant fée de l'Amour lui avait indiqué comme était l'homme de sa vie, la jeune fille s'éloigna aussi rapidement que possible de lui, sourcils froncés, avant d'être soudain arrêtée par deux individus qui lui barraient la route. Alors qu'elle tenta malgré tout de passer, l'un d'eux lui attrapa le bras de manière fort indelicate. Regina, n'était pas prête à se laisser faire et d'un mouvement brusque se degagea avant de flanquer une gifle au malautru. Celui-ci alors l'attrapa et la plaqua contre lui avec une réflexion moqueuse, tentant de l'intimider. Elle regrettait vraiment d'avoir mis le pied dans cet endroit mal-famé et de s'etre laissée berner par cette fichue fée. Le coeur battant à tout rompre tant la peur la gagnait, la jeune fille se débattait tant bien que mal pour un résultat aussi efficace qu'un coup d'épée dans l'eau.
-Et si vous retourniez à vos occupation pendant que je rentre chez moi? souffla-t-elle entre ses dents, rageuse.
Soudain, quelque chose qui lâcher prise à la brute, une bousculade. Régina fut propulsée contre une table et constata que la personne à qui elle devait sa liberté de mouvements n'était autre que l'impoli du bar. Finalement, il n'était peut-être pas seulement beau, il avait peut-etre d'autres qualités? En tout cas, tout aussi incompréhensible que ça puisse paraître, elle se sentait rassurée qu'il lui soit venu en aide. Néanmoins, les deux chasseurs ne semblaient pas prêts à laisser tomber.
"On l'a vue en premier alors attends ton tour!" lui balança le premier, visiblement très mécontent.
Regina était scandalisée d'entendre que l'on parlait d'elle comme d'un objet. Toute la colère qu'elle ressentait montait à présent, la faisant bouillonner. Toute sa vie elle avait dû obéir docilement à sa mère pour faire tout le contraire de ce qu'elle voulait. A présent elle avait décidé de prendre sa vie en main, et ce ne serait certainement pas cette brute épaisse qui se servirait d'elle. Alors que les deux hommes barraient à présent la route à Robin, tournant le dos à Regina, celle-ci se saisit d'une carafe en terre-cuite et la brisa de toutes ses forces sur la nuque de celui qui l'avait malmenée quelques secondes plus tôt. Celui-ci tomba à genoux, ce qui libéra la vue. Robin était à présent en face d'elle. L'autre homme se retourna et esquissa un rire moqueur.
"T'es fougueuse toi, j'aime bien" commença-t-il en se tourna vers elle.
Regina, qui un peu plus tôt était rassurée, ne l'était à présent plus. Quelle folie pouvait bien atteindre ces hommes? Il lui attrapa le poignet gauche. La jeune fille lui décocha alors une gifle qui lui griffa le visage. Quelques gouttes de sang perlaient peu à peu sur la joue de la brute que les ongles de la jeune reine étaient venus lacérer.
- C'est assez maintenant! Vous devriez écouter cet homme qui semble bien plus sage que vous! lança-t-elle, faisant référence à Robin.
(c) AMIANTE
Robin Locksley
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La dernière réplique de la non-moins charmante jeune demoiselle, avait cloué Robin à son siège. Ainsi, malgré son accoutrement, elle semblait ne pas manquait de répartit et laissait entrevoir un caractère bien trempé, ce qui n'était pas pour déplaire à Robin, qui n'avait pas l'habitude d'essuyer de telles piques auprès de la gente féminine. Lui le beau voleur, le séducteur né, était du genre à maitriser la danse et ne concédait que très difficilement, d'offrir à une femme, la possibilité de le moucher avec une telle prestance. Et c'est peut-être ça, qui explique entre autre, le fait qu'il est décidé d'avancer vers le petit groupe. La jeune femme attiser sa curiosité et même s'il était encore légèrement vexé de s'être fait remettre à sa place, il ne pouvait, qu'importe son rang laisser une demoiselle en détresse. Il avança donc à travers la foule qui se massait autour du petit groupe et se prépara à entrer en action.
Si le prince des voleurs était du genre habile avec un arc et des flèches, il n'en demeurait pas moins aussi à l'aise avec le sarcasme et c'est avec panache qu'il s' était adressé à l'un des chasseurs. Pour laisser croire qu'il ne représentait pas l'ombre d'une menace, il avait au préalable feint son ivresse. La ruse semblait avoir fonctionné puisque les hommes se mirent à rire en l'observant de la tête aux pieds. Malgré ça, le meneur, qui venait de se faire, gentiment insulté, ne concéda à Robin, aucune tolérance et continua à malmener la belle. La bousculade n'avait donc pas suffit, il fallait à présent trouver une alternative avant que les choses ne dégénèrent.
« On l'a vue en premier, alors attends ton tour ! » telles fut les paroles du malotru qui avait visiblement la main mise sur la jeune demoiselle, fraîchement élue souveraine de ce royaume. Mais cette donnée avait échappé à ces rustres alourdit par l'alcool. A vrai dire même Robin l'ignorait. Après tout la probabilité de voir une reine dans un tel endroit était relativement faible. Mais ne sommes-nous pas dans le Royaume enchanté ? L'impossible n'est-il pas un mot à bannir en de telles contrées ? Cette interrogation est indubitablement rhétorique, mais méritait d'être posée pour souligner l'évidence du propos. La probabilité de voir une reine était donc faible, mais loin d'être impossible et la présence de Regina le prouvait, mais allaient-ils se rendre compte de ce fait? Allaient-ils la reconnaître et plier l'échine ?
« -Ecoutez messieurs ! Soyons de bons hommes et traitons cette Milady avec respect ! » déclara Robin qui souriait et continuait à laisser imaginer qu'il ne représentait pas l'ombre d'une menace. Il se permit même de faire un clin d'œil à la jeune demoiselle, visiblement offusquée de n'être assujettie qu'à un simple objet que les mâles dominants s'évertueraient à posséder par le biais de l'affrontement. Robin l'observa du coin de l'œil, ses joues légèrement rougies et son regard brillant laissaient entrevoir une exaspération qui se muait peu à peu en colère, le genre fulgurante et difficilement domptable pour le commun des mortels.
Robin essaya d'outrepasser la barrière que représentait les deux molosses face à lui, mais c'est bel et bien Regina qui lança la première les hostilités, à la grande surprise de l'archer. En effet, la jeune reine venait d'attraper une carafe en argile et sans la moindre hésitation, elle brisa avec force le récipient sur celui qui, quelques secondes auparavant, ne s'était pas gêné pour l'a malmené. L'homme ne put se résoudre à parer le coup et se retrouva aussitôt à terre, permettant à la souveraine de faire face au voleur, qui paraissait surprit de la voir agir ainsi. L'autre rustre se retourna le sourire aux lèvres et para la jeune reine, de ce qui se rapprochait d'un compliment, mais qui aux oreilles de cette dernière sonnait comme une impudence. e gaillard visiblement à l'aise, attrapa Regina par le poignet ce qui lui valut aussitôt une belle gifle qui laissa quelques marques de griffures. « Elle n'y est pas aller de main morte » se disait intérieurement le voleur, qui observait jusqu'à présent la scène, attendant certainement le bon moment pour agir, un moment qui n'allait plus tarder à venir au vu de l'excitation des hommes que l'alcool n'avait de cesse d'abrutir.
Regina, après s'être fait les ongles, opta pour la diplomatie et lança une réplique qui contribua à échauder d'avantages les esprits. Le griffé et l'assommé se redressèrent conjointement, plus en colère que jamais.
« -Elle dit quoi la mégère ? » lança l'un des premiers assaillants ce à quoi Robin répondit, non sans ironie.
« - Elle a raison, vous devriez m'écouter, je suis de sage conseil parfois ! »
« -Serais-tu suicidaire ? »
« -Moi ? Ah non pas du tout, j'aime la vie ! Aller soyons des hommes civilisés. Tu laisses la jeune demoiselle en paix et je promets de ne pas te botter l'arrière-train. »
Tous éclatèrent de rire, sauf la jeune demoiselle visiblement peu rassurée. Robin quant à lui, se força à rire, puis sans crier garde, les chasseurs se précipitèrent sur lui, laissant de côté Regina, qui pouvait ainsi s'enfuir sans dommage. Robin esquissa les coups et parvient à s'extirper du combat. Il entraîna la reine dans sa course et c'est ainsi que les deux « étrangers » quittèrent sans plus attendre la taverne, pour rejoindre l'extérieur.
« -Je crois que si nous ne mettons pas les voiles dans l'instant, nous aurons quelques « petits » problèmes. Avez-vous une monture ? » dit-il en récupérant l'arc, qu'il avait au préalable déposer à l'entrée pour ne pas attirer l'attention. Regina, encore sous l'effet de la surprise, resta silencieuse et c'est à nouveau le voleur qui accapara la conversation. « -Hey je vous ai posé une question ! Vous comprenez ce que je vous dis ? » Toujours silencieuse, Regina obligea Robin à prendre une décision. Ce dernier posa donc son regard sur les trois chevaux qui leur faisaient face et sans rien ajouter, il se précipita vers eux, opta pour le premier des destriers et le monta. «-Bon, vous venez ? Sauf si vous voulez tenir compagnie à ces rustres. » Regina ne put se résoudre à réfléchir davantage, en effet derrière elle, les chasseurs avaient fait leur apparition et commençaient déjà à lui courir après en l'insultant copieusement. Sans plus attendre, la jeune reine attrapa la main que le voleur lui tendait et en moins de deux, elle se retrouva sur le cheval, collé à son « sauveur »
« -Accrochez-vous ! » dit-il en sommant son destrier de partir au galop. Le voleur avait le sourire aux lèvres, son cœur battait fort et l'adrénaline pulsait dans ses veines. Enivrait par le danger, il savourait pleinement la situation, loin de se douter qu'il venait de sauver une reine. Il laissa donc le cheval galopait quelques minutes, le temps de mettre suffisamment de distance pour s'éloigner des assaillants, qui ivre ne représentaient cependant aucun danger. Par la suite, convaincu d'être à l'abri, Robin stoppa le cheval et descendit, puis aida la jeune demoiselle à en faire autant.
« -Un merci vous écorcherait-il la bouche ? » dit-il avec audace en lui faisant face.
Les choses étaient sur le point de mal tourner, mais par on-ne-sut quel miracle, le bel et néanmoins impoli étranger parvint à esquiver les coups des deux chasseurs ivres avant d'attraper Regina pour sortir en toute hâte de l'établissement. Le coeur de celle-ci battait à tout rompre, à tel point qu'elle fut incapable de répondre à son sauveur, lorsqu'une fois dehors il lui posa la question. Elle réalisa cependant qu'elle n'avait pas de monture et qu'il lui serait bien compliqué de rentrer au château à pieds, étant donné qu'elle était arrivée en ces lieux en "volant", grâce à la poudre de fée. Cela dit, elle n'eut guère le temps d'étayer sa réflexion que l'homme, qui venait de récupérer un arc, l'entraina à sa suite sur un cheval. Et alors que leurs assaillants les avaient rejoints dehors, les deux fuyards avaient déjà entamé un galop plein-cul qui les éloigna rapidement des problèmes.
Chevaucher était une activité dans laquelle Regina excellait, elle n'eut donc quasiment pas besoin de se tenir à celui qui était devant elle et qui tenait les rennes. Après quelques minutes, l'archer décida d'arrêter la monture, ce qui était une bonne chose au vu de l'effort qui venait de lui être demandé. Une fois descendu, le voleur fit mine d'aider la jeune reine à descendre, une aide qu'elle refusa d'un geste, descendant à son tour avec aisance de la monture qu'elle flatta machinalement à l'epaule avant de se tourner vers Robin, qui venait alors de lui balancer à nouveau une effronterie au visage. Bouche bée, Regina fronça les sourcils.
-Vous ne manquez pas de toupet! C'est vous qui devriez me remercier, sans mon intervention, ces deux molosses vous auraient réduits en bouillie! Je me débrouillais très bien sans vous!
Instinctivement, elle continuait à caresser le cheval, ce qui l'aida à se calmer. Néanmoins, elle devisageait son voleur, et remarqua quelques traces de sang émanant de sa chemise entrouverte.
Et puis le chant d'un oiseau de nuit attira son attention sur l'évidente constatation suivante: elle n'avait aucune idée d'où elle se trouvait. Perdue au beau milieu d'une forêt, en pleine nuit, avec pour seule compagnie un inconnu impétueux rencontré dans une taverne. Une situation qui semblait des plus désespérées, ce qui lui arracha un soupir. Comment avait-elle pu se retrouver dans une telle situation? N'etait-elle finalement pas mieux dans son palais, ignorée par son mari le roi Leopold et haïssant secrètement sa belle-fille pour sa trahison? Pourquoi la fée l'avait-elle sauvée de sa chute si c'était pour lui faire vivre quelque chose d'encore plus attroce que la vie à laquelle l'avait destinée sa mère? Regina commençait à regretter amèrement de ne pas s'etre brisé la nuque en tombant du haut de sa terrasse. A présent à quelques centimètres de son voleur, elle ne put retenir une certaine émotion en plongeant son regard dans l'azur de ses yeux. C'était étrange comme sensation. L'attitude entière de cet homme l'agaçait, cependant le regarder lui était agréable.
-Vous ne vous êtes pas présenté... bredouilla-t-elle. Je m'appelle Regina. Et vous êtes?
Il avait semblé ne pas l'avoir identifiée depuis le début, et c'était tant mieux. Qu'aurait-il fait sinon? Demander une rançon au roi? Celui-ci lui aurait probablement donné de l'argent pour qu'il la garde, la jeune reine en était quasiment sûre. Cette pensée la fit finalement sourire, parce qu'elle était absurde. Elle se mit finalement à rire nerveusement. La pression redescendait et repensant à tout ce qui s'était passé, tout ce qui lui vint était ce rire. Et voyant le regard surpris et perplexe, ce qui était normal, de son interlocuteur, elle ne put s'empêcher de rire d'avantage.
-Quand je pense qu'elle m'a sauvée...pour ça, pour que je vous rencontre. C'est ridicule! dit-elle entre deux éclats de rire.
La situation lui semblait totalement désespérée. Retour à la case départ. Seules deux solutions s'offraient à elle: il lui faudrait rentrer au palais, trouver une explication quant à sa présence à l'extérieur en pleine nuit. Ou alors s'enfuir et vivre dans l'errance. Dans les deux cas, elle serait tout aussi malheureuse. Son rire s'estompa peu à peu, laissant place à un certain désespoir dans son regard. Tous les traits de son visage exprimaient désormais la tristesse. Elle recula de quelques pas, se retrouvant dos à un gros chêne, contre lequel elle se laissa glisser, se retrouvant assise au sol.
-J'aurais du mourir, ce soir, dit-elle pour elle-même, oubliant la présence de Robin.
(c) AMIANTE
Robin Locksley
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Par chance, il ne pleuvait pas présentement, mais la terre réduite à l'état de boue, n'arrangeait en rien les choses. Il fallait ajouter à cela la température certes revigorante, mais horriblement froide. Robin, observa l'espace d'un cour instant, la jeune demoiselle qu'il venait de « sauver ». Son regard en disait long sur son état d'esprit, elle semblait perdue et se maudissait certainement d'avoir laissé la situation lui échappé. Robin sans gêne et peu soucieux de préserver la jeune demoiselle, lui épargna la moindre galanterie après que cette dernière ait rejeté la main qu'il lui avait pourtant « gentiment » tendue afin de la faire descendre de la monture.
« - Ne vous avisez pas, par la suite de dire que je n'ai fait preuve d'aucune galanterie. » dit-il légèrement vexer. La demoiselle ne lui accorda aucune importance et descendit avec grâce, la monture qu'elle prit soin de caresser une fois à terre. Robin en profita pour réajuster sa cape et attacher correctement son arc tout en balançant une nouvelle pique à la jeune reine. Cette dernière offusquée par les paroles de l'archer qui prenait quelques libertés, ne tarda pas à répondre à son sauveur. Ce dernier la regarda avec dédain, il croisa les bras sur son torse et se permit même de la défier du regard avant de rétorquer non sans assurance des paroles dont Regina se serait bien passée.
« Si vous n'aviez pas pénétrer cette taverne, je n'aurais rien eu besoin de faire. Etes ignorante ou stupide ? Les tavernes ne sont pas des lieux fréquentables pour les jeunes femmes, sauf si elles y travaillent ou y vendent leurs charmes, dans le meilleur des cas. Mais au vu de votre attitude, je doute que vous soyez au courant de ces mœurs. Je suis même prêt à parier que vous ne savez rien de ce monde, celui d'en bas. N'allez pas me dire le contraire, avec de tels atours, je doute que vous soyez du genre à coucher dans l'étable du coin. Alors certes, je ne manque pas de toupet comme vous dites, mais je l'ai le mérite de ne pas me voiler la face contrairement à vous Madame. Sachez toutefois, que je m'en sortais très bien avec des deux molosses, mieux que vous d'ailleurs. Mais si ça vous faites plaisir, retournez-y, je suis sûr qu'ils seront ravis de vous revoir. »
Le ton était donné entre les deux protagonistes pourvus de deux forts caractères. Robin, toujours les bras croisés contre sa poitrine, continuait à la défier du regard. Il était intrigué par les vêtements qu'elle portait. Ce genre de tissu ne se trouvait pas facilement dans le commerce. Et il était évident, qu'une telle pièce ne puisse appartenir à une paysanne, sauf si elle l'avait volé, ce qui semblait peu probable au vu de l'attitude de la "charmante" jeune femme qui faisait face au voleur toujours aussi hostile à son égard. Car oui, n'oublions pas que ce jeune voleur est le pourfendeur des justes causes. Il est celui qui si on le rabaisse, se dressera comme un lion. Celui qui vole aux riches pour donner aux pauvres, celui qui rend la justice à ceux et celles qui en sont privés. C'est bien plus qu'une nécessité, c'est un devoir, l'une des règles de son code d'honneur. Un code qui perdure depuis sa plus tendre enfance. Une époque durant laquelle les enfants de bonne famille qu'il était amené à côtoyer, n'avaient de cesse de le malmener, de le rabaisser plus bas que terre, de l'affubler des pires sobriquets. Personne, hormis son précepteur, n'osait remettre ces monstres à leur place au vu des richesses parentales dont ils se prétendaient affubler. Ces teignes pouvaient ainsi agir impunément, sous prétexte qu'elles étaient plus aisées que les autres au sein de cette province, de ce royaume. Le petit Robin refusait de souscrire à cette règle est dès qu'il fut en âge de prendre les armes, il s'assura de servir un monarque enclin à défendre cet idéal de justice et d'égalité, qui à mesure des années, étaient devenu l'un des préceptes de son code d'honneur.
Il nourrissait donc à l'égard de la riche seigneurie, la plus grande des hostilités et le regard qu'il lançait à Regina, pouvait aisément lui faire comprendre qu'elle n'était pas dans ses bonnes grâces. « Mais pourquoi me suis-je embourbé dans une telle situation ? Pourquoi l'avoir sauvé ? Pourquoi ? » se dit-il intérieurement avant d'être coupé dans sa réflexion, par l'intervention impromptue de la brune qui semblait s'inquiéter du sort de son preux chevalier. Ce dernier suivit son regard et découvrit les quelques traces de sang qui empourpraient sa chemise entrouverte. « -Les gens d'en bas, se blessent plus facilement que ceux d'en haut » avoua-il en refermant aussitôt sa chemise. Une fois l'action accomplie, il s'approcha du cheval et y posa une main chaleureuse sur le chanfrein, à savoir la partie comprise entre le front et les naseaux. Il l'apaisa très rapidement et lui promit de lui trouver de quoi boire et manger sous peu. Et il ne doutait pas de trouver quelques vivres en ces lieux qui lui étaient si familiers, tellement qu'il était presque heureux de s'y retrouver en pleine nuit. Un bonheur qui atteint vite ses limites au vu de la présence plus ou moins dérangeante de celle qui n'avait de cesse de soupirer au grand dam du voleur qui s'approcha d'elle pour lui faire savoir que son comportement n'arrangerait en rien la situation. Mais une fois encore, c'est Regina qui avait la main mise sur la parole. Ainsi, elle reprocha à Robin de ne s'être présenté, avant de lui confier son prénom.
« -Si je ne me suis pas présenté c'est surement parce que je n'en avais pas envie, mais puisque vous y tenait, je m'appelle Robin. » Il croisa son regard, un regard sombre, intense, mais différent de ceux de sa condition. Il avait beau cherché, il n'y voyait aucune suffisante, aucun dédain, l'espace d'un instant, aussi bref soit-il, il se surprit même à trouver ce regard agréable, chaleureux et emplit de tout un tas de contradictions. L'un et l'autre se perdirent dans leur pensée commune et le sourire qui venait de franchir les lèvres de Regina, surprit le jeune archer autant que le rire nerveux qui venait d'assaillir la jeune reine. Un rire qui face à la perplexité de Robin, s'intensifia.
« -Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle" dit-il avec méfiance. "- Et de qui parlez-vous, je ne comprends pas ! »
Les secondes s'écoulèrent et le rire cessa progressivement pour faire place à une grande tristesse mise en exergue par le regard, mais aussi par l'expression de son visage. Faible et délestée de sa verve sarcastique, Regina préféra mettre une distance convenable entre elle et l'archer dont elle connaissait à présent le prénom. Elle se colla à un vieux chêne et se laissa glisser progressivement jusqu'à se retrouver au sol, prononçant des paroles aussi désespérantes que son regard. C'est alors, que le visage de Robin perdit de sa dureté, son regard acier devint azur, il fit deux pas et se mit à genoux pour faire face à Regina.
« -Pourquoi vouloir mourir alors que vous êtes à la fleur de l'âge ? Ne devriez-vous pas mordre la vie à pleine dent et n'en laisser qu'un trognon ? » Sans plus attendre, il se releva, il retira sa cape et la lui tendit. « -Les nuits en forêt sont fraiches, mieux vaut vous couvrir. » Puis sans crier gare, il s'éloigna jusqu'à disparaître totalement entre les arbres. Il avait au préalable, repérait quelque baies qu'il savait comestibles, ainsi qu'un petit noisetier qu'il délesta de quelques fruits avant de revenir sur ses pas. Il posa le tout devant la reine qui le regarda intriguer.
« -Tout est comestible n'ayez crainte. Nous allons nous reposer un peu, avant de reprendre la route. Il y a surement un point d'eau non loin de là. Nous nous y attellerons plus tard, pour que notre destrier puisse s'y abreuver. »
Après avoir continué à lui dire des gentillesses, que Regina ignora, trop occupée à retourner la situation et la soirée dans sa tête , le dénommé Robin sembla s'être radouci, ce qui tira à la jeune fille un regard étonné. Il s'était agenouillé devant elle, la regardant avec toute l'intensité dont le bleu de ses yeux était capable, et lui parlant d'un ton beaucoup moins hostile. Il s'enquit même de la raison pour laquelle une jeune femme comme elle aurait pu vouloir en finir avec la vie. Fatiguée psychologiquement, Regina eut du mal à contenir ses larmes. Ses grands yeux chocolat brillaient, malgré tout elle avait du mal à les détacher de ceux de son sauveur.
-Vous ne comprendriez pas. Vous devez avoir des soucis bien plus prenant qu'une mère qui tue l'amour de votre vie pour vous obliger à épouser un parti bien plus intéressant pour elle...
Elle n'avait pas prévu de lui raconter tout ça, mais toutes les provocations dont il avait fait preuve à son égard l'avaient rendu amère. Il semblait dire que "ceux d'en haut" ne connaissait pas la misère, mais la misère pouvait prendre diverses formes, la pauvreté en étant la plus connue. Mais Regina aurait mille fois préféré vivre dans une chaumière miteuse avec son grand Amour, plutôt que dans ce palais froid, avec une belle-fille qui l'a trahie et un mari qui ne daigne lui prêter aucune attention. Elle n'avait pas plus voulu ce mariage que lui!
Dans un geste étonnamment prévenant, Robin s'était délesté de sa cape pour en recouvrir la jeune reine, qui commençait à ressentir le froid de la nuit, une fois l'adrenaline passée, dans la légèreté de la fine étoffe de sa robe.
-Merci, souffla-t-elle alors qu'il s'éloignait. Où allez-vous? demanda-t-elle alors qu'il s'enfonçait entre les arbres jusqu'à n'être plus du tout visible.
Sa question resta en suspend, et Regina se blottit dans l'épaisse et chaude cape, tâchant de se faire toute petite. Elle posa son regard sur le cheval qui avait fait quelques pas vers elle et s'était mis à brouter. Cet animal lui procurait un sentiment d'apaisement, et ce depuis toujours. Celui-ci semblait particulièrement calme malgré les péripéties que les deux fuyards lui avaient fait traverser. La jeune reine se surprit à remarquer que Robin était un bon cavalier. Elle avait remarqué, machinalement, sa posture, son assiette, sa manière de tenir les rennes. La bouche du cheval n'avait guère souffert du mors lors de cette échapée pourtant mouvementée. Les manants n'ont guère la possibilité de prendre des cours d'équitation, et pourtant le bel archer se prétendait très différent d'elle.
La jeune fille n'eut guère le temps d'étayer sa pensée d'avantage que Robin revenait les bras chargés de baies et noisettes, expliquant alors la suite du programme. Alors qu'elle regardait d'un air méfiant les baies, -son père lui avait souvent dit de prendre garde aux fruits sauvages que l'on pouvait rencontrer en foret-, l'archer la rassura quant à leur inoffensivité. Elle hocha la tête, et attendit qu'il en prenne une pour à son tour saisir une petite baie avant de l'observer. Ce fruit ne semblait en effet pas bien méchant, mais Regina savait qu'il ne fallait jamais se fier aux apparences. Elle l'avait bien compris, malheureusement. Elle écouta le discours de Robin qui semblait avoir tout prévu.
-Et où irons-nous ensuite?
A cet instant, elle était un peu perdue. Allait-il la ramener chez elle? Enfin "chez elle" était un bien grand mot, il serait plus correct de dire "là où elle était sensée se trouver". Elle se rendait à l'évidence qu'elle n'avait aucune envie d'y retourner.
Robin lui avait clairement signifié tout à l'heure que s'il ne s'était pas présenté , c'était qu'il n'en avait pas envie. Néanmoins, à présent qu'il se montrait aimable, Regina avait envie de le connaître d'avantage. Mais il y avait fort à parier qu'il ne parlerait pas facilement de lui.
-Que vous est-il arrivé? demanda-t-elle en désignant les tâches de sang sur son torse et sa chemise entrouverte. Vous devez avoir froid, venez, cette cape vous appartient, après tout. Il y a de la place pour deux.
Alors qu'enfin il se montrait gentil, elle n'allait pas laisser mourir de froid son sauveur. Après quelques instant, elle se décida à lui poser une autre question.
-Ce tatouage que vous avez à l'avant-bras, est-ce l'emblème de votre famille?
Elle ne l'avait guère vu longtemps, mais la forme rappelait celui de certaines armoiries. Cela rejoindrait le constat qu'elle avait fait plus tôt concernant son adresse à cheval. Etait-il un noble déchu? Quelle était son histoire? Regina se posait mille questions à son sujet. La curiosité était un vilain défaut pour certains, toujours est-il qu'en réalité on a du mal à ne pas y succomber. La jeune reine espérait qu'il ne sebraquerait pas et qu'au contraire sa langue se délierait un peu.
(c) AMIANTE
Robin Locksley
Messages : 480 Cœurs enchantés : 5393 Humeur : Au manque de bonté
La forêt ! Certainement, l'endroit où Robin se sentait le plus en sécurité. Il ne comptait plus les fois où après avoir passé toute une journée à marcher, il avait trouvé refuge en ces lieux d'ordinaire si hostiles au commun des mortels. Il en gardait quelques impérissables souvenirs qui reprenaient vis par le biais de quelques images. Ainsi, il revoyait les étendues verdoyantes qu’il avait plaisir à traverser. Par la suite, enivré par l’odeur de la nature, il ne manquait pas la moindre occasion de lever les yeux au ciel pour y scruter l'horizon. Il aimait plus que tout se repaître du charmant spectacle que la nature daignait lui offrir, et même si les couleurs chaudes et rougeoyante du soleil, sonnaient la fin d’un périple, l’archer consentait à vivre paisiblement cette finalitéLa forêt ! Certainement, l'endroit où Robin se sentait le plus en sécurité. Il ne comptait plus les fois où après avoir passé toute une journée à marcher, il avait trouvé refuge en ces lieux d'ordinaire si hostiles au commun des mortels. Il en gardait quelques impérissables souvenirs qui reprenaient vis par le biais de quelques images. Ainsi, il revoyait les étendues verdoyantes qu’il avait plaisir à traverser. Par la suite, enivré par l’odeur de la nature, il ne manquait pas la moindre occasion de lever les yeux au ciel pour y scruter l'horizon. Il aimait plus que tout se repaître du charmant spectacle que la nature daignait lui offrir, et même si les couleurs chaudes et rougeoyante du soleil, sonnaient la fin d’un périple, l’archer consentait à vivre paisiblement cette finalité. D’autant plus que le spectacle ne prenait pas fin instantanément après l'énième mort de l’astre solaire. En effet, dans le ciel, les premières étoiles s’illuminaient alors que le soleil concédait à vivre ses dernières secondes en s’assombrissant de plus en plus pour enfin être avalé par l’horizon. C’est à ce moment-là que l’astre lunaire entrait en scène, malgré les quelques nuages qui le dissimulaient par intermittence.Robin continuait donc à observer le décor, se laissant progressivement happé par la fatigue. Les quelques nuages qui voilaient l’astre nocturne, pouvaient ainsi se montraient cléments et il n’était pas rare qu’ils s’effacent pour laisser la lune brillait de toute son intensité.
Robin aimait les plaisirs simples et malgré toutes les aventures qui avaient égrainé sa vie, il n’oubliait pas d’où il venait, ni les personnes qui avaient fait de lui, ce voleur au grand cœur qu'il était devenu. Ainsi, il n’était pas rare qu’il retrouve le village qui l’avait vu grandir. Il se fichait bien de faire de grandes distances pour y parvenir. Il aimait plus que tout parcourir les champs qui appartenaient à celui qui avait accepté de l’élever comme un fils à la mort de son ami. Les yeux fermés, Robin caressait les tiges de céréales qui montaient jusqu'à son nombril et laissait l’odeur de l’herbe fraîchement coupée, embaumait ses narines. Puis après s’être rassasié de cette délicieuse odeur, il reprenait son chemin sous un soleil moqueur. Mais peu importe, l’archer était en terrain conquis, sans richesse certes, mais en communion avec Mère Nature. La nature était son bastion, son espoir, sa force, sa patrie et pour rien au monde, il ne changerait cela, pas même pour toutes les richesses du monde si elles lui étaient proposées sur un plateau d'argent.
Mais aujourd’hui, il lui était plus difficile de savourer les effluves et les biens faits de Mère Nature. Car oui, aujourd'hui il n’était pas seul et cette compagnie semblait accaparée toutes les attentions. Et pour cause, la jeune femme, parfaite intruse en de tels lieux, ne semblait pas au meilleur de sa forme, ni même rassurée. Si au préalable, Robin n’avait daignait lui accorder que trop peu d’importance, il ne pouvait nier à présent, lui offrir toute son attention. Quelque chose l’avait touché dans ses paroles teintées de désespoir et dans son regard alourdit de tristesse.Elle souffrait, semblait amer et évoquait la mort comme une fidèle compagne susceptible de la délester de tous ses tourments. Comment se pouvait-il qu’une aussi jolie « jeune » femme puisse nourrir de telles pensées funestes ? Telle était la question que se posait Robin. Mais peu à l’aise, il avait préféré taire sa curiosité, lui qui d’ordinaire n’avait pas sa langue dans sa poche. D’autant plus, que la jeune femme qui s’épancha un peu sur ce qui semblait être une vie bien terne. Ainsi, sa mère lui avait enlevé l’amour de sa vie ! Robin préféra faire comme s’il n’avait rien entendu et se leva pour aller cueillir quelques baies et une ou deux noisettes. À son retour, il prit soin de préciser qu’il ne s’agissait pas de poison et que ces baies malgré leur couleur, étaient comestibles. Pour donner plus de crédit à ses dires, il en prit une et la mangea sous le regard de Regina qui s’inquiéta de savoir où le programme de l’archer les mènerait par la suite.
« -« On » ? Il n’y a pas de « on » qui tiennent. Au lever du soleil, je vous ramène chez « vous » ou du moins je vous y rapproche, ensuite, je m’en vais retrouver mes camarades. » dit-il visiblement peu habituer à se montrer civilisé en présence de personnes plus élevées. À vrai dire, il n’avait pas envie d’étayer la conversation, la fatigue commençait à se faire pensante et la température devenait de moins en moins agréable. Il se penchant donc non sans difficultés pour ramasser quelques brindilles et de quoi alimenter un hypothétique feu. Regina qui continuait à l’observer, se permit de nouvelles interrogations, au grand dam du voleur qui n’avait pas vraiment envie de parler de lui et encore moins de partager sa cape avec la jeune femme. « - Je vous l’ai donné, gardez-là ! Quant à votre question, j’ai peur qu’elle reste sans réponse. Ce qui m’est arrivé ne vous regarde pas. »
Il plaça tout ce qu’il avait ramassé, près de l’endroit où Regina se trouvait. Il redressa ses manches, creusa un petit trou dans lequel, il déposa quelques brindilles, puis il y ajouta un peu de terre sèche, des feuilles plus ou moins flétries. Il se redressa aussitôt pour aller récupéré son carcan et en sortit une flèche. Il récupéra la pointe métallique et commença à la frotter contre une pierre, il plaça le tout au-dessus du petit tas qu’il avait réalisé au préalable et s’activa à faire de la braise pour faire partit un petit feu. L’opération dura quelques secondes et mobilisa le peu d’énergie qu’il lui restait encore, mais il parvint enfin à produire quelques braises sur lesquelles il souffla pour lancer le feu. Fier de lui, il s’assit près de Regina et sans lui accorder le moindre regard, il consentit à répondre à sa dernière question.
« -Je n’ai aucune famille, si ce n’est mes compagnons d’infortune. » Il regarda son tatouage, qui lui rappelait tant de choses et de péripéties, les pires comme les meilleures. « -Cet emblème n’est pas celui de ma famille, mais du roi que je sers…que je servais. »dit-il avec amertume en observant les flammes. « -Je l’aimais comme un fils aime son père, alors peut-être que dans le fond, vous n’avez pas tord. Il était ce qui se rapproche le plus d’une famille. Mais il n’est plus à présent. Le valeureux Richard Cœur de Lion a rejoint les cieux » Le voleur touchait d’évoquer la récente mort de son souverain, se tue et évita de croiser le regard de son interlocutrice. Il était un homme que diable ! Il ne pouvait se résoudre à faire preuve de faiblesse.« -Vous êtes donc noble ? Si c’est le cas, désolé de faire preuve d’autant de franchise, mais je suis hostile aux gens de cette caste. A Nottingham, ils se croient tout permis et abusent de leurs privilèges. Ils écrasent le peuple et ont la justice avec eux. Ce shérif est aussi pourri que le Prince qu’il sert… » Le regard de Robin avait pris une toute autre teinte rendue encore plus intense par la lueur rougeoyante du feu. « -Désolé… je… je m’emporte sur certains sujets. Vous devriez vous reposer, il se fait tard, je suppose… »
La soirée promettait d'être longue. Le coeur de Regina était passé par tellement d'émotions différentes en l'espace de quelques heures: le désespoir, la résignation, enfin l'espoir suite à son entretien avec la fée, puis la déception après avoir rencontré celui que la poudre avait désigné et qui, visiblement, ne semblait pas plus s'intéresser à elle que si elle était un ver de terre, puis la peur et la colère face aux deux brigands qui avaient essayé de s'attaquer à elle dans la taverne... une montée d'adrénaline incroyable lors de la fuite à cheval avec Robin. Cheval qu'ils avaient volé! La jeune reine n'avait jamais rien volé au cours de sa courte existence. Sa petite tête était sur le point d'exploser, du moins c'était l'impression qu'elle avait. Et quand enfin l'archer daignait se montrer un peu plus aimable, il se refermait aussitôt comme une huître. Pour la première fois, Regina avait l'impression d'être la cause de ce renfermement. Mais que pouvait-il bien avoir contre elle? Il ne la connaissait même pas, et c'était comme s'il l'avait jugée dès le premier regard, alors que le sien était plein de bienveillance. Agacée tout autant qu'épuisée, la jeune fille soupira.
-Etes-vous toujours ainsi? Mi-figue mi-raisin? Pouvez-vous me dire ce qui me vaut autant d'animosité de votre part depuis notre rencontre? Comment pouvez-vous juger une personne simplement à ce qu'elle porte? Oui je porte de la soie, pensez-vous que cela fasse de moi un tyran qui opprime le bas-peuple? Je n'ai jamais fait ni voulu de mal à qui que ce soit! J'aurais mille fois préféré naître dans une chaumière et avoir la liberté de vivre pleinement mon amour avec un garçon d'ecuries plutôt que de le voir assassiné sous mes yeux!
Elle s'était tue, d'avantage pour reprendre son souffle que par absence d'autre chose à dire. Robin la jugeait si mal, il la mettait dans le même panier que ce prince et ce shérif de Nottingham dont il semblait n'avoir qu'une piètre estime. Et pourtant, Regina n'avait encore jamais rien fait pour être ainsi traitée. Alors qu'elle tachait de se calmer, elle observa l'archer faire du feu avec trois fois rien et une aisance déconcertante. Ses yeux étaient fixés sur les flammes qui, à mesure que Robin soufflait dessus, grandissaient, apportant une lueur et une chaleur réconfortantes par cette nuit qui ne cessait de s'assombrir et se rafraîchir.
Elle l'écoutait aussi lui conter le peu de choses qu'il daignait lui dire de sa vie. Il était donc fidèle au roi Richard. Un grand roi, à ce qu'en avait entendu Regina. Robin était donc capable d'amour, il aimait son roi comme un fils aime son père, c'était ses mots. Ces paroles toucherent la jeune reine qui eut un sourire attendri.
-Toutes mes condoléances pour cette perte douloureuse. Je suis sûre que votre roi vous aimait également comme un fils. Des hommes aussi dévoués à sa cause tels que vous lui étaient sûrement très précieux.
Robin semblait réellement touché par la mort de son roi, et il s'empourprait de passion en évoquant un sujet qui lui tenait à coeur comme les opprimés. Un homme avec tant d'altruisme envers les plus faibles ne pouvait pas être aussi désagréable. Il l'avait sauvée, dans la taverne, même s'il s'était au départ, et ensuite aussi, montré d'une rudesse incroyable.
-Vous paraissez très impliqué dans la protection des plus démunis. C'est une cause qui semble vous tenir à coeur, et c'est très louable. Pensez-vous que je pourrai vous apporter mon aide de quelque manière que ce soit?
C'était sorti tout seul, mais une telle dévotion à une noble cause ne pouvait qu'inciter à la rejoindre. Et si c'était pour éviter de retourner à sa morne vie de château, Regina était prête à tenter sa chance du côté de cet homme au grand coeur mais qui le cachait bien. Il proposa de se reposer. Mais après tout cela, l'esprit de la jeune fille était encore des plus alertes, même si son corps était épuisé. Elle était bien incapable de dormir.
-Vous pouvez dormir, je prends le premier tour de garde.
Elle était certaine qu'après cette phrase il allait lui rire au nez, mais si ça lui permettait de se détendre, alors tant mieux. Elle se redressa un peu, adossée à l'arbre et toujours emmitouflée dans la cape que son sauveur lui avait gentiment cédée. Il ne voulait pas en profiter? Tant pis pour lui. Il était vraiment étrange par instants. Cette réaction fit secouer la tête à la jeune femme tout en levant les yeux vers le ciel étoilé, partiellement camoufflé de là où elle était par le feuillage de l'imposant chêne qui leur servait d'abri de fortune. Bizarrement, Regina se sentait plus à l'aise ici que dans le palais du roi Leopold.
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Robin Locksley
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Ces trois derniers jours furent éreintants, autant qu’avaient pu être celles passées au front. Avec ses « joyeux compagnons » Robin avait décidé d’attaquer un chargement en partance pour Nottingham. Sous les ordres du Prince Jean, le shérif et ses sbires avaient ainsi procédé au prélèvement (à la source) du nouvel impôt, que les foyers les plus modestes ne pouvaient se résoudre à payer. Des foyers parmi lesquels se trouvaient la famille du bien-nommé Petit Jean. Quelle ne fut pas sa peine en apprenant que ses parents qui avaient passé toute leur vie à travailler, seraient, sous peu, délester de toutes leurs possessions s’ils ne concédaient à payer le nouvel impôt. A fleur de peau, le colosse, avait décidé de noyer sa colère dans l’alcool et avait amené ses compagnons d’infortune à le suivre.
Tuck, ancien homme de foi, dérogea à ses anciens préceptes et absorba quelques verres, assez pour jouer les commères et débiter un nombre conséquent d’âneries, qui valut à Robin et Petit Jean, un fou rire, qu’ils peinèrent à dompter. Robin quant à lui, but modérément.Des trois, il en fallait un de raisonnable et ce soir-là, tout laissait à penser qu’il devait écouter la petite voix de la raison dans sa tête. Mais, car la conjonction subsiste, malgré les efforts, rien ne dure, pas même les bonnes résolutions. Ainsi, les trois hommes burent encore et encore. Ils laissèrent la nuit défilée et les idées saugrenues guidées leur conversation.Ainsi, au hasard de la conversation, Tuck lança les hostilités « Et si nous délestions les gardes de Nottingham de leur prochain chargement. » Et après un fou rire général, Robin se leva pour sauter sur la table et conclu ainsi la conversation par : « -Volons aux voleurs ! » Trois jours plus tard et après avoir fui les gardes, visiblement bien préparés, les voleurs n’eurent d’autre choix que de se séparer. Et c’est ainsi qu’après avoir traversé à toute halte, une bonne partie du Royaume, Robin alourdit par la fatigue, c’est posé dans cette taverne, devenu le théâtre d’une nouvelle aventure et pas des moindres… L’amour ! Mais tâchons de ne pas aller trop vite en besogne.
Il détourna son regard du feu qu’il venait d’allumer. Nul doute que si ses deux perles azur furent des armes, Regina n’aurait eu le moindre espoir de survivre à la salve de coups qu’il lui dispenserait. Et les choses n’étaient pas prêtes de s’arranger au vu de sa verve et de son caractère au moins aussi fort que celui de l’archer. Mais cette fois, c’est bel et bien Regina qui avait pris l’avantage en clouant le bec de l’irritable apprenti prince des voleurs qui était forcé de constater qu’il l’avait résolument mal jugé. Il baissa la tête, avala bruyamment sa salive et chercha désespérément à fuir son regard tout en marmonnant un approximatif « Excusez-moi » qui lui arrachait la bouche. Le silence reprit ses droits, puis conscient qu’il avait fauté et désireux de se rattraper, Locksley consentit à répondre aux interrogations de Regina qui voulait en savoir plus sur son tatouage et par extension, sur lui-même. Il évoqua donc la fatalité qui avait ébranlé sa vie, en lui prenant son Roi, l’une des seules figures paternelles qu’il avait eue dans sa vie. Devoir conjuguer les verbes au passé en évoquant Richard, fendait le cœur de Robin, qui n’était pas encore prêt à accepter sa mort et qui était en révolte permanente contre le monde entier. Regina lui sourit tristement et fit preuve d’empathie à l’égard d’un Robin, encore surprit de voir une personne d’un tel rang, agir de la sorte.
« -Merci. Vos paroles sont aimables, malgré mon attitude plus que détestable. Vous me prouvez, une fois encore, que je me suis lourdement trompé… » lui avoua-il, en posant sur elle, un regard lourd de culpabilité. Mais quelques secondes plus tard, il brisa le contact visuel et reporta toute son attention sur le feu, qu’il alimenta en balançant en son centre, quelques petites brindilles. La tension était retombée, mais la surprise, visiblement coutumière avec Regina, assaillit à nouveau le voleur, lorsque son interlocutrice, lui proposa son aide. Robin, qui ne quittait pas le feu du regard, lui répondit :
« -C’est ma dévotion qui vous incite à dire cela ou votre vie est-elle si morne, que vous cherchez une échappatoire ? Non oubliez, vous n'êtes pas obligé de répondre... Ma question est mal placée.» La fatigue prenait de l’ampleur, bien plus que la curiosité qui animait présentement Robin. Ses jambes le faisaient souffrir, sa tête également, mais par fierté, il préférait taire ses maux. Par fierté également, il recadra la jeune femme qui venait de se porter garant pour prendre « le premier tour de garde »
« -Les femmes ne montent pas la garde, elles dorment. Et puis admettons que j’accepte, vous savez vous servir d’un arc ? Seriez-vous à même de vous défendre contre un loup ? Votre silence est éloquent. Bon et bien puisqu’aucun de nous n’est décidé à dormir, veillons ! Donc puisque je vous ai parlé de moi, j’ai le droit de vous demandez de m’en dire un peu plus non ? »
Au grand étonnement de Regina, Robin daigna reconnaître son erreur de jugement à son égard. Peu à peu, l'ambiance devenait plus sereine. Était-ce à cause de la fatigue, ou simplement reconnaissait-il sincèrement qu'il s'était trompé? Pour une raison qu'elle ignorait totalement, la jeune reine ne voulait pas que son interlocuteur se méprenne sur elle, et qu'il la prenne pour une personne aussi horrible que ceux qui sévissaient dans le royaume d'origine de Robin. En temps normal, elle n'aurait eu que faire de ce qu'un inconnu pouvait penser d'elle, mais dans ce cas présent, les choses étaient différentes. Était-ce à cause des révélations de la fée, ou bien commençait-elle réellement à apprécier le bel archer? Surtout qu'il devenait enfin appréciable, il montrait qu'il avait un coeur, qu'il faisait preuve de loyauté envers un roi qui avait été bon, qu'il vouait sa vie à aider son prochain, même s'il jugeait un peu vite les autres.
-Vous êtes tout excusé. Je peux comprendre votre méprise, si tous les nobles de votre royaume sont d'ignobles personnages. Bien que je sois un peu vexée d'avoir été confondue avec l'une d'elles, ajouta-t-elle avec une pointe de taquinerie pour détendre l'atmosphere.
Malgré tout, comme si c'était plus fort que lui, Robin posa une question un peu agressive, quant à savoir si la demoiselle avait une vie si morne qu'elle souhaitait en changer. Mais d'un autre côté, c'était un peu vrai.
-Vous recommencez... commença-t-elle juste avant qu'il ne s'en excuse. Pour tout vous dire, j'aspire à une certaine liberté que je n'ai jamais eue, avec une mère telle que la mienne. Alors si je peux, par la même occasion, aider d'autres personnes, comme vous le faites, pourquoi pas?
Puis il se moqua ouvertement d'elle en rétorquant qu'une femme ne pouvait assurer un tour de garde.
-Vous seriez surpris par mes aptitudes à l'arc, cher monsieur, dit-elle en souriant. Même s'il est certain que je ne sais pas me battre comme vous, j'aurais pu vous réveiller en cas de problème. Et puis je maîtrise plutôt bien la gifle, comme vous avez pu le constater ce soir.
Mais la perspective de passer la nuit à discuter avec son sauveur plut, à son grand étonnement, à la jeune femme. Il semblait vouloir en savoir plus sur elle. Le léger sourire qui s'était dessine fièrement sur son visage en évoquant ses capacités, s'estompa. Que pouvait-elle lui dire? Devait-elle lui avouer qu'elle était la nouvelle femme du roi Leopold? Elle se mordilla la lèvre inférieure, détournant le regard vers le feu qui gagnait en volume, éclairant et réchauffant leurs visages.
-Je crains qu'il n'y ait pas grand chose à dire... que voulez-vous savoir?
La soudaine crainte de Regina était qu'il la ramène sans sommation au palais s'il apprenait son identité. Et là, elle devrait se contenter de vivre sous le même toit que la petite peste qui était responsable de son malheur, sans compter un mari qui l'ignorait. Un petit soupir sortit involontaire de sa bouche, attendant qu'il pose les questions qu'elle redoutait.
-Pour tout vous dire, je ne saurais même pas vous donner la direction de l'endroit d'où je viens... Me croiriez-vous si je vous disais que c'est une fée qui m'a conduite jusqu'à cette taverne?
En y repensant, elle était fascinée par ce voyage qu'elles avaient fait toutes deux. C'était magnifique de voir défiler les paysages, de nuit, vus de haut. Regina n'avait encore jamais vécu pareille chose. C'était comme rêver que l'on est un oiseau. Durant le trajet, son coeur était gonflé d'espoir, à cause des dires de la fée. Sa déception avait été d'autant plus grande lorsque Robin s'était avéré pltot hostile. A présent, les choses semblaient changer. Il vait montré une nature tout de même bien plus attrayante. Elle avait à présent envie de le connaître encore plus, mais il ne semblait guère très enclin à parler davantage de lui. C'était compréhensible, Regina respectait cela, et comme il l'avait souligné, c'était à son tour de parler d'elle. La jeune reine avait accepté de se prêter au jeu, elle attendrait les questions que l'archer pourrait vouloir poser.
-Vous vous imaginez sans doute que je passe mes journées à faire de la broderie et du clavecin, comme les jeunes femmes de la noblesse que vous avez connues dans votre royaumes? Détrompez-vous, aussitôt que je le peux, je monte à cheval. L'equitation est un domaine dans lequel je me défends plutôt bien, au grand désespoir de ma mère. Le cheval est une passion que j'ai depuis mon plus jeune âge. Galoper vous donne une impression de liberté incroyable, et c'est un travail et une remise en question de tous les instants pour être en symbiose avec sa monture.
La passion l'avait emporté et le reflet des flammes dans ses yeux n'accentuait que trop bien ce qu'elle ressentait.
