Des rotules en acier + Regina&Alice.

aucun sol n'en viendra à bout.

Amie Régi, amie Régi, lèves ton verreuh, et surtout ne le renverse pas !

C’était bien avant le mois de février, bien avant qu’Alice ne comprenne qu’elle s’était condamnée pour au moins une vingtaine d’années – si personne ne voulait de l’enfant. Alek avait vaguement mis la jeune femme à la porte de l’appartement. En fait, non. Elle, elle s’était barrée. Une énième engueulade. Leurs caractères les menaient toujours à s’en mettre plein la gueule pour des broutilles. C’était le genre de colocation qui devenait vite invivable. Il n’était pas possible pour Alice ou pour Alek de passer une seule journée tranquille, sans se prendre le chou pour un oui ou pour un non. L’un avait toujours quelque chose à reprocher à l’autre, et inversement. Le résultat était toujours le même au final : Alice prenait ses cliques et ses claques et partait passer la soirée en meilleure compagnie, c’est-à-dire bien souvent avec personne d’autre que le comptoir contre ses genoux, à remplir son gosier avec la même chose. Une bite ou des boissons. Principalement les boissons. Les bites, c’était en option, une fois qu’elle avait assez bu pour perdre toute volonté de rentrer chez elle, une fois qu’elle avait assez bu pour être plus facilement consentante pour tout un tas de trucs. Ce soir, elle n’avait personne avec qui faire la fête. À vrai dire, les gens qui sortaient aussi souvent qu’elle n’étaient pas aussi nombreux, et… en fait, ça ne la dérangeait pas de passer un peu de temps en tête-à-tête avec elle-même ou avec un barman qui ne comprendrait plus un traitre mot de ce qu’elle dirait après quatre ou cinq verres d’alcool fort. Ils avaient l’habitude. Quand elle se trouvait dans ce genre d’état, ils se contentaient juste d’hocher la tête, ils ne cherchaient pas plus loin. Il n’y avait rien à comprendre avec une alcoolique pareille.
Alors ce soir, elle se réfugiait au Rabbit Hole. Ça lui allait bien, elle trouvait ça ironique quand elle était sobre. Elle la soit-disant Alice, on lui avait déroulé le tapis rouge pour la mener à boire. Le Rabbit Hole, c’était son monde, son Pays des Merveilles. Même le nom du bar le plus réputé de la bourgade ne faisait que l’appeler à tomber à nouveau dans le terrier du lapin. Quand elle en ressortirait, elle serait en plein blackout. Elle ne savait jamais comment elle en arrivait à passer le reste de la nuit devant la bibliothèque parfois, ou comment elle se retrouvait telle une princesse dans les draps frais de sa chambre, sans même une goutte de vomi à côté d’elle. Les aléas de l’alcool. Elle ne se souvenait que du point de départ et de la destination, jamais du chemin qu’elle avait emprunté, des conneries qu’elle avait faites. Une fois, on lui avait reproché le vol d’une pizza. Elle ne se rappelait même pas d’avoir fait une chose aussi fun. Bref. Ce soir elle se fichait bien de tout ça. Tout ce qu’elle voulait c’était quelques heures de tranquilité d’esprit, loin des reproches d’Alek et plus loin encore des souvenirs délirés d’une sorte de vie antérieure ou des possibles bêtises qu’elle faisait sous l’emprise de l’alcool.

Une musique lounge en arrière-plan, elle se balançait de gauche à droite plus ou moins en rythme. Alessya trouvait toujours que la radio donnait au bar une ambiance de film pornographique. Une musique de film de boules, fut le seul commentaire qu’elle se fit à propos du son. Elle n’avait eu à payer pour l’instant que deux verres, elle entamait juste le troisième, gentiment offert par un groupe de garçons eux complètement torchés. Ça avait ses avantages de sortir tard en soirée, ça rendait les hommes bien plus aimables que lorsqu’ils étaient sobres. Ce soir c’était calme. Il paraît que le PsyChic faisait une soirée spéciale. Un truc du genre « menottes-moi si tu peux ». Même si Alessya aimait s’amuser, ce n’était pas tellement son genre de délire. Ou bien si. Mais ce soir, elle n’avait pas envie de jouer spécialement. Une soirée tranquille, le cul sur un tabouret, un verre remplit sur le comptoir, c’était tout ce qu’il lui fallait. Hormis le groupe de bonhommes qui entamait déjà des chansons d’ivrognes, c’était calme ce soir. Elle prenait le temps de savourer cette fois, parce qu’elle n’aura pas les sous pour un verre de plus. D’ici un quart d’heure tout au plus, elle devra déjà rentrer…

Elle leva bien soudainement la tête lorsque la présence même d’une certaine personne dans les lieux la surprit. Elle en fut tellement surprise d’ailleurs, qu’elle tomba du tabouret. Elle se relevait vite en prenant appui sur le rebord du bar. « Bah alors ? Vous ne savez plus comment rentrer ? Vous vous êtes perdue ? » Oui oui, c’était sa façon de dire bonjour à Madame la Maire.

**Regina Mills**

Des rotules en acier !
Et une bouteille de rhum!

Depuis quelques semaines, il y avait du nouveau dans la vie de Regina Mills. Non le simple fait d’avoir fait un pas en avant pour changer, pour qu’Henry ait la mère qu’il mérite, non pas seulement le fait de faire son possible pour se faire oublier suite à la levée de la malédiction, où tout un chacun à Storybrooke a un peu pataugé dans la semoule avec le retour des souvenirs de la vie dans le monde des contes et aussi le retour de la magie, non, pas seulement ça . En effet, madame le maire avait fait la rencontre de Robin Locksley, connu sous le nom de Robin des Bois. Le célèbre voleur avait en effet dérobé son cœur voilà plusieurs semaines de cela, un véritable coup de foudre. Il fallait dire qu’une certaine fée l’avait prévenue, quelques décennies auparavant, que son âme-sœur n’était autre qu’un homme au tatouage de lion sur l’avant-bras. Tatouage dont était effectivement pourvu Robin. L’ancienne méchante reine s’en était voulu de n’avoir point écouté Stella à l’époque. Au lieu de cela, elle avait clairement flippé et tourné les talons, et laissé la colère et la haine la consumer et faire d’elle la méchante reine, qui a martyrisé tout un royaume avant d’en envoyer les habitants dans un monde sans magie en leur ôtant la mémoire, par pure et simple vengeance contre la princesse qui avait ruiné sa vie.

Mais bon, Regina tâchait de ne plus être cette personne. Elle s’y employait de tout son être, car l’amour de son fils et la fierté dans ses yeux étaient ce qui comptait le plus. Néanmoins, il fallait reconnaitre que la nouvelle idylle qui se profilait dans sa vie avait de quoi la motiver d’avantage. Elle qui pensait ne plus aimer à nouveau après la perte de Daniel, s’apercevait que son cœur était encore capable de battre pour quelqu’un. Robin lui avait expliqué qu’il était gérant du Rabbit Hole, un bar populaire de Storybrooke. La belle brune réalisa qu’elle n’y avait jamais mis les pieds. En cette fraiche soirée de novembre qu’elle passait seule, madame le maire décida donc d’aller y faire un tour. Elle savait que son bel archer n’y travaillait pas ce soir-là, il avait promis à son fils une soirée cinéma, et Henry passait la nuit chez Emma, ce qui avait toujours tendance à susciter une pointe de jalousie chez Regina, mais ce n’était pas en éprouvant ce genre de sentiment que l’on devenait meilleure, n’est-ce pas ? Aussi s’obligeait-elle à penser à autre chose. Elle voulait profiter de l’absence de Robin sur son lieu de travail pour voir un peu l’ambiance qui y régnait, guidée par sa curiosité.

A sa grande surprise, le lieu était plutôt calme, entendez par là qu’il n’était pas surpeuplé. La musique était agréable, ce qui tira un sourire à Regina alors qu’elle refermait la porte derrière elle, afin d’éviter que le froid hivernal ne s’engouffre, ou que le chauffage ne sorte, au choix. La décoration était soft, quelques tables étaient occupées, notamment une par un groupe de jeunes un peu éméchés. La maire de la ville s’avança vers le comptoir et commanda un verre de martini blanc, sans spécialement faire attention à la jeune femme assise sur un tabouret à sa gauche. Alors que le serveur, charmant au demeurant, lui servit sa consommation et qu’elle lui tendit un billet pour régler la note, la demoiselle tomba de son tabouret, ce qui attira le regard de l’ancienne méchante reine. Et alors qu’elle allait lui demander si elle allait bien, cette charmante demoiselle balança une réplique manifestant son étonnement de la voir ici. Sourire en coin, Regina rétorqua.

-Bonsoir à vous aussi. Eh bien, ce serait peut-être le cas si j’atteignais votre niveau d’ébriété. Or, cela n’arrivera pas.

Elle trempa ses lèvres dans son verre et s’adossa au comptoir pour la regarder se relever. Ne sachant pas à qui elle avait à faire, enfin, seulement ce qu’il y avait à savoir, la brune la scruta du regard.

-Vous venez souvent ici, non ? C’est le nom de l’établissement qui vous attire ?

Petite allusion à qui elle était dans le monde des contes. Si Alice voulait se montrer désagréable, elle avait choisi le mauvais adversaire, Regina était experte en la matière.

Ce n’est pas qu’Alice n’aimait pas Madame la Maire. Mais elle n’aimait pas les formalités, agir en fonction du beau monde. Elle était juste assez polie en s’interdisant de la tutoyer tout de suite, mais elle avait déjà pris ses aises avec cette dame. Pas de salutations, rien. Juste l’étonnement de la trouver là. Ce n’était pas le genre de cliente habituée. En fait, c’était peut-être la première fois qu’Alice la voyait autrement qu’en photo. Ou alors elle avait trop bu pour s’en rappeler. La petite blondinette posa le regard sur la consommation que Madame venait de se prendre. « C’est de l’alcool de vieux, ça ! » commenta-t-elle. Ce n’était pas elle qui le disait. C’est juste que la dernière fois qu’elle avait commandé du martini, on lui avait sortit la même réflexion. Cette fois, c’était à son tour de la transmettre. Pas qu’elle lui disait qu’elle était trop ridée. Quoique. La maire avait perdu un peu de son éclat, faut dire qu’on trouvait facilement plus frais à Storybrooke avec toutes ces princesses. « Je suis pas bourrée ! » répliqua Alice quand Regina fit allusion à un niveau d’ébriété plus haut que la normale. Et même si cette phrase Alice l’avait sortie à de nombreuses reprises, même lorsque si elle était bourrée, cette fois c’était vrai. Plus ou moins. Elle avait moins d’alcool dans le sang que d’autres soirs, voilà tout. Alice se mit à parler pour parler, dire du rien pour dire du rien. Il fallait qu’elle parle. « Et puis méfiez-vous, mine de rien le martini ça monte vite à la tête, et après deux ou trois verres, voire moins si vous êtes fragile, vous êtes déjà toute nue et toute dansante sur une table. Je dis pas que ça m’est déjà arrivé, moi je me contente d’attendre qu’on me resserve. Mais j’en ai vu de belles dans le coin. »
Un petit sourire mielleux, juste pour appuyer les fausses confessions qu’elle lui offrait. Non, mais par contre, voir la maire minable ça devait valoir le détour. « Et puis croyez-moi, ce n’est pas parce qu’on est des gueux qu’on est alcoolique. J’ai vu des personnes importantes boire comme des trous ici. » Sous-entendu : tu es la prochaine. Alice tapota sur le tabouret à côté d’elle, invitant la MILF à s’asseoir près d’elle pour continuer la discussion. Pas qu’Alice rêvait depuis longtemps d’entretenir un débat avec cette dame, mais ça faisait toujours bien dans les anecdotes à raconter aux petits-enfants de dire qu’une fois on avait mis son propre maire dans un état d’ébriété. « Un autre martini pour la dame, monsieur ! »

À sa grande surprise, la mairesse commença les questions banales qui entraîneront la conversation. « Non je ne viens pas si souvent que ça. Les soldes, ils connaissent pas ici. Du coup je vais plutôt du côté de la plage. Le PsyChic, vous devez connaître ? Allez, faites pas l’innocente, je suis sûre que vous sortez plus souvent que vous en avez l’air. » Puis, concernant le nom de l’enseigne. « C’est pas parce que je m’appelle Alice que je cours les lapins ! Faut arrêter avec votre délire ! C’est moi l’ivrogne du village, et c’est moi la plus réaliste ! En plus, tu ressembles même pas à la reine de la Belle au Bois Dormant. Ou c’est celle de Cendrillon ? Tu te transforme en dragon dégueulasse ou en vieille peau, toi ? » Ouais, elle parlait quand même au maire comme ça. Et elle s’était mise à la tutoyer. Sans raison. On va dire que le martini, ça rapproche. « Et puis au fond, je suis sûre que t’es venue parce que t’as vu le mot hole sur le logo… » Alice, tu cherches la merde. Oui, mais l'autre pépette aussi.

**Regina Mills**

Des rotules en acier !
Et une bouteille de rhum!

Regina sirotait son verre, adossée au comptoir, observant sa nouvelle interlocutrice qui s’était relevée de sa chute inattendue, visiblement causée par la surprise de la voir en un tel lieu. Madame le maire secoua la tête avant de plonger ses lèvres à nouveau dans l’alcool aux volutes sucrées, tandis que la charmante Alice le qualifiait d’alcool « de vieux ». L’ancienne méchante reine leva ses iris chocolatés vers elle en haussant un sourcil.

-Eh bien tant pis, je ne vais pas m’excuser de l’apprécier.

La belle brune ne put retenir un petit rire silencieux en entendant la blondinette rétorquer qu’elle n’était pas bourrée. Sa réputation la précédait, à qui espérait-elle faire croire que l’alcool qu’elle avait ingurgité restait dans la mesure du raisonnable ? Et même si c’était encore le cas, il y avait fort à parier que cela ne durerait pas et que sous peu, elle se retrouverait à quatre pattes pour essayer de trouver la sortie.

-Si vous le dites… commenta-t-elle en ne prêtant plus attention à cette insignifiante jeune fille qui, visiblement, avait besoin de compagnie.

Son regard croisa à nouveau celui d’Alice lorsque cette dernière se livra, tel un vieux professeur, à une mise en garde presque élaborée et plutôt bien argumentée concernant l’alcool. Un grand sourire amusé se dessina sur les lèvres pourpres de Regina.

-Oh, vraiment, merci de la mise en garde, très chère, sans vous, je ne me serais jamais aperçu que l’alcool pouvait jouer des tours. Vous êtes de si bons conseils.

Elle secoua la tête avant d’ingurgiter une nouvelle gorgée de Martini.

-Ça sent le vécu, en tout cas. Et, croyez-le ou non, je n’ai pas vraiment envie de connaître votre vie.

Voyant que la jeune femme l’invitait à s’asseoir, madame le maire sentit qu’elle n’avait pas trop le choix… Elle venait de se montrer un tantinet désagréable avec elle, et si elle continuait, il y avait fort à parier que la pochtronne ne se priverait pas de raconter à qui veut l’entendre que la méchante reine n’avait pas changé. Et au vu des efforts qui étaient les siens pour se faire pardonner, mieux valait montrer patte blanche pour l’instant et tenter de rester aussi courtoise que possible. Elle se retourna et posa donc son fessier sur le tabouret à côté de celui d’Alice. La belle brune venait de terminer son verre, et la blonde en commanda un second pour elle. Regina la regarda en souriant.

-Essayeriez-vous de me saouler, mademoiselle O’Liddell ? Vous aurez bien du mal, croyez-moi.

C’est là que l’ivrogne, qui se qualifiait elle-même comme telle, commença à être un peu trop familière au gout de Regina.

-Je vous prierai de modérer vos propos… et de ne pas me tutoyer, nous n’avons pas gardé les cochons ensemble, que je sache !

D’ailleurs, Regina n’en avait jamais gardé. Elle ne put s’empêcher de rouler des yeux en l’entendant mentionner les transformations d’elle et de Maléfique dans le monde des contes, et soupira, d’autant plus lorsqu’Alice demanda si c’était le mot « hole » sur le logo qui l’avait attirée.

-Bien entendu, je mourais d’envie de discuter avec une personne telle que vous afin de savoir ce que cela faisait d’avoir des rotules en acier à l’épreuve de tous les sols… balança-t-elle sur un ton ironique.

Elle souffla bruyamment. Pour la sympathie, on repassera.

-Je suis venue ici pour voir l’établissement dans lequel travaille l’un de mes amis, ça vous va ?

Ne désirant pas s’attarder sur le sujet, elle prit en main le nouveau verre que venait de remplir le serveur, et trempa ses lèvres dans l’alcool « de vieux ». Elle continua, ceci faisant, à observer l’établissement, espérant que son interlocutrice daigne se montrer un peu plus aimable, sans quoi elle ne pourrait retenir d’avantage quelques répliques acerbes.

Qu’elle s’excuse ou non, ça ne faisait rien. Alice pensait que madame la maire ne savait pas boire correctement. Ou qu’en tous cas, elle ne savait pas quoi boire. Pour en être rabaissée à ça… Il n’y avait rien de mieux que le vrai alcool fort.
Et non clairement, madame Mills n’avait pas connu Alice bourrée. Si elle paraissait bien joyeuse et très bavarde ce soir, elle n’était qu’à la première phase de la beuverie. Elle avait souvent connu plus lamentable, comme état. Au point de ne pas pouvoir rentrer, au point de ne pas pouvoir ouvrir la bouche sans qu’elle en sorte du vomi, au point d’être incapable d’articuler le moindre son compréhensible. Oui, ce bar avait connu de pires soirées grâce à elle. Alors oui, Alice avait raison quand elle affirmait ne pas être bourrée. En tous cas, pas par rapport à d’habitude. Si la maire était venue une heure plus tard en revanche… on ne garantissait rien. Elle répondit à Regina. « Je vous l’ai dit, ce n’est pas ma vie. Je vous raconte juste ce que je vois, et ce n’est pas glorieux… »

La brune prit finalement place à côté de la blonde. C’était officiel, Alice pourra dire à n’importe qui dès le lendemain que la Méchante Reine a accepté de boire un verre avec elle. D’ailleurs, elle commanda un nouveau martini pour contenter la vieille et la faire danser sur les tables. Finalement, la terrible Regina qui avait lancé le monstrueux Sort Noir n’était pas si mauvaise que ça. « Je n’ai pas l’intention de vous rendre saoule, » dit-elle en lui rendant son sourire. « Je fais jamais ça volontairement. C’est l’alcool. Moi je suis innocente. Mais puisque vous aimez cette boisson, je vous l’offre ! Hein garçon, qu’on lui offre ? » Elle posa longuement son regard sur le bonhomme derrière le bar. De toute façon, il savait qu’elle n’avait pas un rond en poche. Il acquiesça, l’air quand même renfrogné. Il devait en avoir marre de passer les pourboires qu’il arrivait difficilement à ramasser dans les boissons d’une misérable alcoolique. « Vous voyez, il vous l’offre. »
Sentant que l’atmosphère se détendait, Alice s’était permise de péter un coup et s’était mise à tutoyer la plus haut placée dans cette ville. Elle trouvait ça plutôt sympatoche de tutoyer les gens, ça apportait plus rapidement des amis sur Facebook. Et qui dit amis sur Facebook, dit augmentation de vies sur Candy Crush. Mais ce n’était pas l’avis de Madame Mills, choquée par tant de familiarité. « Ne parlons pas de cochons ! » Elle essayait de ne pas employer du tout la deuxième personne, du coup. Elle repensait aux animaux qu’elle devait côtoyer chaque fois qu’elle squattait chez Vael, et de l’espèce de bête qu’il avait appelé Knacki. C’est laid un cochon, en vrai. Rien à voir avec un cochon d’Inde. Alice ne comprenait pas qu’on puisse adopter ce genre de bête de ferme. Surtout quand on sait que ça pourrait faire un bon morceau de viande, et qu’on n’a pas le droit de le manger parce qu’il porte le statut d’animal domestique. Foutaises. « Nous dirons donc que nous n’avons pas gardé les lutins ensemble. Vu d’où on vient toutes les deux, je dirais que les lutins courent plus les rues que les cochons. Genre Rumplestiltstruc ! C’est un lutin ou un cochon ? Un lutin ? Bon, voilà. On a gardé les lutins. »

Elle mit longtemps à comprendre le rapport avec les rotules. Quand l’information monta au cerveau, elle s’offusqua. « Hé, si y en a une qui a bien des rotules en acier, c’est toi ma poule. Moi j’en aurais, je serais pas en train de supplier pour avoir des verres offerts de temps en temps. » Elle vit le barman acquiescer, l’air dépité. « J’occuperais sans doute un meilleur poste. Genre maire de la ville… » Et elle sourit en savourant le petit silence qu’elle s’accordait. Pour une fois elle était fière de sa réplique. Demain, elle se cachera sous les draps en se rappelant l’avoir balancé à la maire en personne. « Un ami ??? » Sous-entendu : un de ses moyens de monter en grade ?

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